Le système de retraite suisse à la loupe: le premier pilier

Très réglementé mais tout de même flexible, le premier pilier du système de retraite suisse permet de couvrir les besoins vitaux des retraités.

Le système de retraite suisse, réputé pour sa complexité, est composé de trois piliers qui ont vocation à se compléter mutuellement. Le premier pilier repose sur une prévoyance étatique permettant de couvrir les besoins vitaux une fois à la retraite. En tant que travailleur frontalier ou résident en Suisse, vous êtes concerné! Fonctionnement général, montant des cotisations et calcul de la rente: dans cet article, découvrez tout ce que vous devez savoir sur le premier pilier!

Au sommaire

Une prévoyance minimale pour les besoins vitaux

Le premier pilier du système de retraite suisse vise à assurer les besoins vitaux à la retraite, mais aussi en cas d’accident de la vie. Il est donc composé d’une base de prévoyance pour la retraite, d’assurance pour les situations de décès, d’invalidité et de perte de revenus, et de prestations complémentaires.

L’AVS: la base pour la prévoyance retraite

L’AVS (assurance vieillesse et survivant) est le principal élément du premier pilier. Elle fonctionne selon un principe simple: vous cotisez tous les ans pendant votre vie active, et vous touchez une rente calculée en fonction de vos cotisations une fois à la retraite.

La rente AVS minimale pour une personne seule s’élève à ce jour à 1.225 francs, et la rente maximum à 2.450 francs par mois (étant précisé que ces montants peuvent évoluer à l’avenir). Si ces montants ne vous paraissent pas suffisants, c’est normal: l’AVS est calculée pour ne couvrir que les besoins vitaux une fois à la retraite. C’est pourquoi elle est complétée par le deuxième pilier (prévoyance professionnelle) et le troisième pilier (prévoyance personnelle).

Des assurances pour les accidents de la vie

En tant qu’assurance vieillesse, l’AVS permet donc de toucher une rente minimale à la retraite. Mais en tant qu’assurance survivant, elle permet aussi de couvrir vos proches en cas de décès. Vos enfants et/ou votre conjoint bénéficient alors d’une rente calculée en fonction de vos cotisations.

Cependant, l’AVS n’est pas le seul composant du premier pilier: elle est complétée par l’assurance invalidité (AI) et l’allocation perte de gains (APG). Comme pour l’AVS, vous devez cotiser tous les ans pour l’AI et l’APG pendant votre vie active, c’est une obligation légale. En contrepartie, cela vous permet de toucher des rentes sous certaines conditions:

  • Si vous êtes atteint d’un problème de santé permanent ou de longue durée (AI);

  • En cas de service (militaire ou civil) ou d’arrivée d’un enfant (APG).

Des prestations complémentaires non négligeables

Les rentes et les aides sociales qu’il est possible de toucher avec l’AVS, l’AI et l’APG assurent ainsi un revenu minimum à la retraite et en cas d’accident de la vie. Cependant, elles ne sont pas toujours suffisantes pour couvrir tous les besoins vitaux et sont ainsi complétées par une autre aide sociale: les prestations complémentaires (PC). Cette aide permet de combler la différence lorsque les revenus ne sont pas suffisants pour assumer les dépenses objectivables liées aux besoins vitaux.

Nota Bene: dans la suite de l’article, nous parlerons surtout de l’AVS. En effet, si l’AI, l’APG et les PC sont bien incluses dans le premier pilier, ces aides sociales ne concernent pas directement la retraite. C’est d’ailleurs pourquoi, quand on parle de retraite, le premier pilier est souvent confondu avec l’AVS.

 

Le premier pilier: un système social solide

Le premier pilier est un système de retraite par répartition. Il est fortement réglementé, régi et partiellement financé par les autorités publiques. Il obéit à une logique protectionniste, éminemment sociale, qui inclut toute la population.

Un système de retraite par répartition

Le premier pilier suisse est un système de retraite par répartition, c’est-à-dire que les cotisations des actifs actuels sont reversées aux retraités actuels. Un tel système repose donc sur la solidarité intergénérationnelle. Il a l’avantage d’inclure toute la population active et non active à une période donnée, assurant une protection pour tous. En revanche, il permet rarement aux retraités de profiter de rentes très avantageuses compte tenu des montants cotisés durant toute leur vie active.

Bon à savoir: les deuxième et troisième piliers ne fonctionnent pas de la même manière. Ce sont des systèmes de retraite par capitalisation, c’est-à-dire que vous toucherez les montants que vous avez vous-même cotisés tout au long de votre vie une fois à la retraite.

Le pluri financement du premier pilier

Le premier pilier est le seul pilier du système de retraite suisse à être partiellement financé par les autorités publiques. En effet, la Confédération et les cantons le financent largement grâce aux recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et diverses autres taxes (notamment sur le tabac et l’alcool).

Le premier pilier est également financé par plusieurs cotisations obligatoires (AVS, AI et APG) assumées par les particuliers et les entreprises. En effet, vous êtes obligés de cotiser pour le premier pilier dès lors que vous habitez en Suisse et êtes âgé de plus de 20 ans (même si vous ne travaillez pas), ou que vous travaillez en Suisse et êtes âgé de plus de 17 ans (même si vous être travailleur frontalier et que vous vivez à l’étranger).

 

Des cotisations obligatoires pour tous les travailleurs et résidents

Ainsi, quelle que soit votre situation, vous êtes obligé de cotiser pour le premier pilier dès lors que vous habitez et/ou travaillez en Suisse. Cependant, les obligations de cotisations ne sont bien entendu pas les mêmes en fonction de votre situation professionnelle.

Les cotisations pour les salariés

Vous êtes tenu de cotiser pour le premier pilier si vous êtes salariés en Suisse, que vous habitiez en Suisse ou en France. En 2024, vos cotisations représentent 10,6% de votre salaire:

  • Une cotisation représentant 8,7% de votre salaire pour l’AVS;

  • Une cotisation représentant 1,4% de votre salaire pour l’AI;

  • Une cotisation représentant 0,5% de votre salaire pour l’APG.

La somme totale est partagée à part égale entre vous et votre employeur. Ce dernier s’occupe seul de toutes les démarches, il verse votre part (5,3%) et la sienne (5,3%) à la caisse de compensation. Vos cotisations sont donc directement prélevées sur votre salaire brut.

Les cotisations pour les travailleurs indépendants

Vous êtes également tenu de cotiser au premier pilier si vous êtes travailleur indépendant en Suisse, que vous habitiez en Suisse ou en France. C’est alors à vous de réaliser toutes les démarches et de payer l’intégralité de vos cotisations (par rapport à un salarié, vous payez donc la part de l’employeur et celle de l’employé). Vos cotisations représentent à ce jour 10% de votre revenu brut:

  • Une cotisation représentant 8,1% de votre revenu pour l’AVS;

  • Une cotisation représentant 1,4% de votre revenu pour l’AI;

  • Une cotisation représentant 0,5% de votre revenu pour l’APG.

Bon à savoir: si vous êtes travailleurs indépendant et que vos revenus annuels sont inférieurs à 58.800 francs, votre taux de cotisation baisse selon un barème dégressif.

Les cotisations pour les personnes sans activité professionnelle

Vous êtes enfin tenu de cotiser pour le premier pilier si vous habitez en Suisse et êtes sans activité professionnelle (y compris pendant les études, la pré-retraite, le chômage, etc.). Les montants de vos cotisations sont alors calculés en fonction de votre capital (fortune) et de vos revenus (rentes, revenus du capital…) selon un barème échelonné :

  • Entre 422 et 21.000 francs par ans pour l’AVS;

  • Entre 68 et 3.400 francs par ans pour l’AI;

  • Entre 24 et 1.200 francs par ans pour l’APG.

Bon à savoir: si vous êtes sans activité professionnelle et que votre conjoint, quelle que soit sa situation, paie au moins le double de la cotisation minimale (soit le double de 514 francs: 1028 francs), vous ne devez pas cotiser.

 

Le premier pilier: un système souple pour une rente flexible

Bien qu’il soit obligatoire et très réglementé, le premier pilier reste un système flexible. Comme on l’a vu, vos cotisations dépendent de votre situation professionnelle. Une fois à la retraite, votre rente AVS dépendra de la manière dont vous avez cotisé tout au long de votre vie.

Une rente calculée selon la période de cotisation

Tout d’abord, votre rente AVS dépendra de votre durée de cotisation: plus longtemps vous avez cotisé, plus importante sera la rente. Pour bénéficier d’une rente complète, il faut avoir cotisé pendant 44 ans, c’est-à-dire à partir de 20 ans (âge à partir duquel il devient obligatoire de cotiser) et jusqu’à 65 ans (âge ordinaire de départ à la retraite en Suisse). Si vous ne cotisez pas tous les ans, vous aurez des lacunes de cotisations et votre rente AVS en sera réduite selon un barème échelonné.

Pour rappel, pour une personne seule sans lacune de cotisation, la rente complète minimale à ce jour est de 1.225 francs et la rente complète maximale de 2.450 francs. Votre rente AVS sera nécessairement comprise entre ces deux montants si vous faites une carrière complète en Suisse.

Une rente calculée selon les montants des cotisations

Ensuite, votre rente AVS dépendra des montants de vos cotisation, et donc de votre salaire: plus vous avez eu des revenus élevés, plus vous aurez cotisé, plus importante sera la rente. Pour une personne seule, il faut avoir gagné au moins 88.200 francs par ans en moyenne pour toucher la rente AVS maximale (2.450 francs par mois).

Bon à savoir: pour les couples mariés ou en partenariat enregistré, la rente AVS maximale est de 3.675 francs par mois (150% de la rente maximale individuelle), ce qui revient à 1.837,5 francs par personne.

Cas particuliers: retraite anticipée et retraite ajournée

Comme on l’a vu, l’âge de la retraite est fixé à 65 ans en Suisse pour les hommes, mais également pour les femmes depuis la réforme de l’AVS entrée en vigueur en janvier 2024. Cependant, il est possible de prendre sa retraite avant ou après l’âge de 65 ans: on parle alors de retraite anticipée et de retraite ajournée. Le système du premier pilier prend en compte ces cas particuliers.

Vous pouvez anticiper votre retraite de deux ans au maximum. Dans ce cas, vous devez continuer de payer les cotisations AVS, AI et APG pendant votre retraite anticipée. De plus, votre rente AVS mensuelle sera diminuée de:

  • 6,8% si vous anticipez votre retraite d’un an;

  • 13,6% si vous anticipez votre retraite de deux ans.

Vous pouvez ajourner votre retraite de cinq ans au maximum. Dans ce cas, vous devez continuer de payer les cotisations AVS, AI et APG pendant votre retraite ajournée. De plus, votre rente AVS mensuelle sera augmentée de:

  • 5,2% si vous ajournez votre retraite d’un an;

  • 10,8% si vous ajournez votre retraite de deux ans;

  • 17,2% si vous ajournez votre retraite de trois ans;

  • 24% si vous ajournez votre retraite de quatre ans;

  • 31,5% si vous ajournez votre retraite de cinq ans.